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22
fév
2015
Spip pour faire son site internet ? Mais oui, mais si !
En me connectant ce vendredi sur Twitter, après plusieurs semaines d’absence du réseau social, je suis tombée sur un échange initié par un tweet de Cera Interactive. Le tweet en question affirme que « Spip (est) le pire CMS pour faire son site Internet » avec un lien vers un article éponyme.
S’ensuivent bien entendu les protestations de quelques adeptes de Spip. Réalisant moi-même des sites sous Spip, je vais lire l’article pour me faire ma propre opinion et… je tombe de ma chaise !
(copiez/collez le lien parce que je n’ai pas l’intention d’offrir un backlink à cet article : cera-interactive.fr/cera-strasbourg/actu-du-web.php ?actu=150211-cms-spip-web)
Comme le suggère Jean-Yves Giraud (@jygiraud) dans l’une de ses réponses sur Twitter, et contrairement à ce que prétend Cera Interactive, l’article en question n’est qu’une succession d’affirmations non étayées, ne constituant en rien l’argumentation prétendue.
Sur Twitter, Cera interactive lance enfin, telle une provocation : « Libre à vous de vous exprimer dans un article contradictoire ». Qu’à cela ne tienne ! Reprenons leurs « arguments ».
1. Les thèmes Spip sont moches
Tout d’abord, soyons honnêtes : le thème par défaut de Spip est clairement horrible ! Les thèmes alternatifs ne sont pas légion et, pour la plupart, datent un peu et ne sont guère sexy.
Et bien j’ai envie de dire : tant mieux ! Cela oblige les prestataires web à se sortir les doigts du c… et à penser un design unique pour leur client, plutôt que d’installer un thème tout fait et de le personnaliser vaguement. De plus en plus de sites se ressemblent, on dérive vers une sorte de standardisation du design. Bien souvent, lorsque l’on arrive sur une page d’accueil, on sent immédiatement « l’odeur » du CMS qu’il y a derrière.
Quant aux fades, aux pressés, ou ceux qui ne souhaitent pas créer un design « from scratch » pour toute autre raison, quel besoin y a-t-il réellement d’avoir accès à une offre pléthorique de thèmes avec Spip ? De mon point de vue, tout le web est un template Spip dès lors qu’un fichier composé uniquement d’html et css est suffisant. Ensuite, il suffit d’y placer quelques boucles à la place du texte latin et c’est parti !
2. Les sites faits avec Spip seraient forcément moches
Evidemment non ! Le design d’un site ne dépend absolument pas de la technologie utilisée, il dépend des compétences du prestataire ou de son webdesigner (et aussi, disons-le, du bon ou du mauvais goût du client qui impose parfois ses exigences). J’ai vu des sites magnifiques et des sites moches dans toutes les technologies.
Voici quelques sites « moches » en Spip. Moches, vraiment ?
- www.topolive.fr
- www.bouduprod.fr
- www.zephyr-biere.com
- www.laserquest67.fr
- www.ventoux-tourisme.com
- www.sobreval.com
- www.signalisation-strasbourg.fr
- www.ericodario.com
- www.logisconfort.com
- www.pnr-millevaches.fr
- www.eedd-midi-pyrenees.fr
Bien sûr, vous avez le droit de ne pas aimer. Les goûts et les couleurs…
Cera Interactive se permet même des captures d’écran de sites Spip « moches » (ce qui est sympa pour leurs concepteurs soit dit en passant). Ah, au fait ! Puisqu’on est sur ce terrain-là…Deux intrus se sont glissés dans la liste ci-dessus. Les avez-vous trouvé ?
Ces deux sites ne sont pas faits en Spip, ce sont des sites réalisés par Cera Interactive. J’ai vérifié l’âge de ces sites ; le design évolue et une date de création peut parfois apporter un éclairage sur un jugement. Selon le site de l’agence, ils datent tous deux de 2013.
Et bien je n’aime pas. C’est mon droit. Les goûts et les couleurs…
3. Spip serait criblé de bugs et cible de piratage en masse
Des bugs ?
Je passerai assez rapidement sur le chapitre « bugs » parce que c’est tellement éloigné de mon constat d’usage que j’ai du mal à comprendre le grief et donc à contre-argumenter. J’ai des sites sous Spip, ça tourne comme une montre suisse. Point-barre. Que dire de plus ?
Ceci me paraît donc une affirmation assez gratuite de la part de l’agence, qui ne semble pas avoir d’expérience du CMS qu’elle décrie tant.
Quant au piratage…
… oui, ça peut arriver, comme pour n’importe quel autre CMS, n’importe quel logiciel, n’importe quel serveur, n’importe quelle application. Savez-vous que le 10 février, Microsoft avait déjà sorti 17 correctifs de sécurité réputés « importants » ou « critiques » depuis le début de l’année ?
Tenir ses logiciels à jour est toujours important, même si ce n’est pas une garantie absolue. Un client m’a récemment contactée pour un site Spip hacké. Son Spip n’avait plus été mis à jour depuis… 2008. Après, faut pas s’étonner.
Ce qu’on peut dire en tout cas, c’est que les développeurs de Spip sont très réactifs dès qu’une faille est portée à leur connaissance. Mais c’est comme dans le domaine de la santé : on ne peut pas trouver un médicament pour une maladie qui n’existe pas encore.
4. Spip est-il en retard sur son temps ?
C’est l’un des arguments avancés par l’article. Mais de quoi parle-t-on au juste ? Le texte nous donne 3 pistes :
- l’interface d’administration peu esthétique car « n’ayant pas évolué depuis sa création »
- un manque de gestion documentaire
- la publication des articles qui demande beaucoup de temps
L’interface d’administration
Tout d’abord, il est faux de dire qu’elle n’a pas évolué. Elle a subi plusieurs liftings et, au passage à la version 3, l’organisation des menus et fonctionnalités a été revue pour proposer un classement beaucoup plus logique et intuitif encore.
Maintenant, reconnaissons que l’interface est visuellement très simple, voire simpliste. On ne trouve pas dans Spip des dizaines de menus, sous-menus, et autres liens imbriqués sans fin. Tout est sagement regroupé sous une poignée d’icônes, et ceci participe à sa simplicité d’utilisation.
Dans l’interface de Spip, incontestablement, pas d’effet « wow ». Mais on parle bien de l’interface d’administration ; est-il préférable d’avoir une interface « qui en jette » ou bien une interface simple et efficace ? Qu’est-ce qui est prioritaire dans l’expérience utilisateur entre ces deux critères ? A titre personnel, mon choix est fait.
On peut néanmoins regretter le manque d’éditeur wysiwyg. Je pense – les développeurs de Spip qui me liront me détromperont au besoin – que c’est lié :
- au fait que pour d’obscures raisons (obscures pour moi) la feuille de style ne peut pas y être appliquée
- et à la volonté de proposer une interface répondant à des exigences d’accessibilité.
Ceci étant dit, pour avoir testé d’autres CMS réputés wysiwyg, je me suis rapidement rendu compte que ce que je voyais était rarement ce que j’obtenais précisément.
Un manque de gestion documentaire
Je ne suis pas certaine de comprendre ce que cette récrimination recouvre. En tout cas, si on parle d’une gestion des médias (images, vidéo, PDF, etc.), Spip propose bel et bien une médiathèque et même une des plus pratiques qu’il m’ait été donné d’utiliser.
Je ne sais pas quelle version antédiluvienne de Spip Cera Interactive a vue pour la dernière fois...
Le temps de mise en ligne d’un article
C’est vrai que ça prend du temps ! A peu près… 2 minutes chrono, inclusion des images comprise. Poussons jusqu’à 3 ou 4 pour les pages les plus longues avec quelques éléments complexes. Même pour le stagiaire. Célia M., auteur de l’article, avait-elle un bras dans le plâtre le jour où elle a essayé ?
5. Spip serait difficile d’utilisation pour les novices. Ah bon ?
Le voilà enfin, l’argument qui tue ! Je cite : « SPIP (…) présente des mots ayant un sens particulier mais qui sont nécessaires à connaître (…), il faut donc apprendre un vocabulaire spécifique avant de pouvoir se mettre à gérer son site internet. »
Les 2 exemples cités sont :
- squelette Spip
- et rubriques ( « qui remplacent les habituelles catégories » )
Des termes à apprendre
Déjà, il serait utile que l’auteur de l’article précise à quel type d’utilisateur elle fait référence. Aux concepteurs ou aux auteurs ?
Si l’on parle des premiers, je pense qu’après avoir ingurgité l’html, le css, quelques notions de gestion d’hébergement, de domaining, de gestion de base de données, éventuellement un peu de javascript et peut-être un zeste de jquery ou de PHP, ils n’en sont plus à un vocable près.
Quant aux auteurs, à de rares exceptions, ils n’ont pas besoin de savoir ce qu’est un squelette et le terme « rubrique » ne me paraît pas plus difficile à appréhender que « catégorie ». Le terme s’ancre dans un univers déjà connu de la plupart des gens : la presse. Linguistiquement parlant, « rubrique » me paraît même plus adéquat que « catégorie » (issue de la traduction de category des CMS anglo-saxons).
Mais il est inutile de tergiverser sans fin sur des questions de terminologie : toute nouvelle expérience s’accompagne d’un apprentissage minimal de quelques termes de base.
- La première fois que l’on s’intéresse à la conduite d’une voiture, il faut bien apprendre ce que veut dire levier de changement de vitesse, pédale d’embrayage, frein à main, compte-tour, pression des pneus.
- La première fois que j’ai utilisé un appareil photo, j’ai dû savoir ce qu’était le déclencheur, la bague de mise au point puis plus tard l’autofocus, l’ouverture, la profondeur de champ.
- Lors du premier match de foot que j’ai regardé, j’ai dû comprendre ce qu’était un coup de coin, un coup franc, une remise en touche, un penalty, un hors-jeu.
Dès lors, savoir ce qu’est une « rubrique » ne me paraît pas insurmontable.
Difficulté d’utilisation
J’ai personnellement utilisé 4 CMS différents en tant qu’auteur.
- Deux d’entre eux (et pas des moindre !) étaient franchement mal foutu
- Un autre – pourtant fort répandu – était plutôt efficace dans ses fonctionnalités mais mal pensé au niveau de son ergonomie, rendant la prise en main assez laborieuse : le foisonnement de possibilités, la multiplication des chemins menant au même endroit m’ont longtemps fait l’effet de me retrouver dans un labyrinthe.
- En définitive, Spip m’a de loin paru le plus simple, même s’il est évidemment perfectible.
Cette impression personnelle est corroborée par les retours de mes clients. Je propose toujours gratuitement, en marge de la mise en ligne d’un site, une formation à l’utilisation de Spip et, au besoin, la fourniture d’un mode d’emploi que je ne rédige pas à l’avance, préférant le personnaliser selon le site et le niveau du client.
La durée de la formation n’est pas convenue d’avance : j’y consacre le temps nécessaire au client, j’encourage les questions ; je constate que ça n’a jamais dû être bien long. Quant au mode d’emploi, je n’en ai jamais rédigé un seul, mes clients me retournant que « c’est inutile, c’est si simple ! ». CQFD. Je préfère fonder mon opinion sur les feedbacks d’utilisateurs lambda que sur la foi d’un article manifestement orienté, destiné à servir on ne sait trop quelle fin.
6. Les utilisateurs soi-disant mécontents
Baser une affirmation sur 3 tweets sortis de leur contexte est pour le moins fallacieux. Inutile de s’étendre.
Signaler la nécessité de faire une mise à jour de Spip n’assimile en rien son auteur à un « utilisateur mécontent ». Quant au 3e tweet cité, c’en est presque drôle ! Il est notoire que @GusLeLapin est un vrai aficionado de Spip et, partant, que son message est à prendre au second degré.
En conclusion
Et bien en conclusion, je suis d’accord avec la conclusion de Cera Interactive : « La création de sites internet est faite pour être pris en charge par des professionnels ».
C’est la suite qui pose problème : « (…) et non pas par des logiciels ». L’un empêche-t-il l’autre ? Un auteur qui passe de la plume au traitement de texte devient-il un mauvais écrivain pour autant ? Et si ma voisine, coiffeuse, écrit consciencieusement un roman au stylo sur du papier velin, cela fera-t-il automatiquement un best-seller ?
On peut bien entendu faire des reproches à Spip, chaque solution a ses points forts et ses points faibles, ses avantages et ses inconvénients. On peut aimer ou ne pas aimer. Mais l’article que l’on nous présente est totalement vide, sans fondement, gratuitement accusateur, et fait preuve d’une méconnaissance profonde de l’outil.
L’article se termine par une attaque en règle envers Spip et les CMS en général (oui, rassurez-vous, y en a pour tout le monde ; dans un autre article, ils crachent sur Wordpress et Joomla), dont ne peut sortir aucun « travail propre et bien abouti », produisant donc « un résultat médiocre et très probablement inefficace ».
Le voilà l’objectif de l’article ! Ouf, on a failli attendre, dis donc. Cera Interactive code (très proprement pour le peu que j’en ai vu, il faut le dire) ses sites « à l’ancienne », produisant des sites statiques. C’est un choix qui en vaut un autre dans le cas d’un site qui ne doit pas être mis à jour très souvent (vu que cela oblige le client à retourner vers son prestataire pour toute modification). Rien à redire là-dessus.
De là à dénigrer les CMS et les prestataires qui les utilisent, il y a un pas qui n’aurait pas dû être franchi. Un argumentaire positif sur leurs propres atouts eût été plus glorieux que cette tentative maladroite de discréditer tous les voisins.
Et dans la foulée, ouvrir leurs colonnes au débat contradictoire aurait été signe d’assurance. Tout est dit.
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